UNE CULTURE

Artisans de paix

Charte du Réseau des artisans de paix

temps de lecture:
7 mn

« La paix est un chantier ouvert à tous, la paix est une responsabilité universelle »

« Heureux les artisans de paix »

La paix est un fil d’espérance qui relie les ténèbres à la lumière, la terre au ciel. Oser accueillir les situations de souffrance, rencontrer l’humanité blessée, accueillir l’homme dans sa détresse, c’est ouvrir un dialogue, dans un échange avec « l’autre », chacun dans sa pauvreté. C’est un art à apprendre qui purifie la conscience, ouvre à la rencontre des âmes, des cœurs pour permettre de découvrir un nouvel avenir : l’art de vivre ensemble. 

La paix implique l’ouverture à l’humanité de chacun, elle est un pont tendu vers l’autre. Être artisan de paix implique d’être en chemin « vers »… Paradoxalement, trop souvent, nous désirons la paix et nous créons le conflit, la souffrance, la guerre autour de nous et en nous-mêmes. Ce chemin implique un apprentissage et un besoin de temps pour apprendre à devenir proche de l’autre, consentir à l’altérité à travers nos différences, nos désaccords. Des étrangers peuvent être proches, alors que celui qui est proche de nous par notre histoire peut être un étranger. La priorité est de vivre la paix en soi-même. La véritable transmission de la paix se fait à travers ce que nous sommes. Ce chemin est un choix propre à chacun, dans l’exercice de sa liberté.

La violence a des racines profondes dans l’histoire de l’homme. Face à son explosion aujourd’hui dans le monde, nous cherchons des solutions et nous sommes souvent impuissants face aux souffrances qu’elle génère. Violence et souffrance sont intimement liées. Aujourd’hui, face à la rupture d’un certain ordre établi, une interrogation sur le sens de la vie, de nos vies, s’impose. Les fondements d’une société reposent sur les valeurs qu’elle a su construire. Ces valeurs ouvrent à une dimension supérieure de l’être. La voie de libération de la violence qui nous habite passe prioritairement par une prise de conscience de notre monde intérieur et de nos peurs. Nos peurs de la mort, de l’autre, de nous-mêmes sont souvent plus fortes que notre élan envers les autres. Mais nos aspirations perdurent, car elles sont espérance, aspirations à ce qui est le plus élevé, à ces valeurs qui sont universelles et liées à l’identité même de l’homme : altruisme, respect de l’autre, liberté, fraternité… Elles sont un point de rencontre entre les hommes qui peut ouvrir à un désir commun de créer un nouvel avenir afin que la paix puisse devenir une réalité possible pour la plus grande partie de l’humanité.

Notre éducation et nos expériences de vie nous ont appris à construire des murs avec les autres. Afin de contribuer à la paix nous devons apprendre à défaire ces murs et à construire des ponts à la place. Pour cela nous proposons l’expérience de la médiation humaniste. Elle place l’homme au centre, dans une acceptation pleine de son être, de ses émotions, de son intelligence et de ses aspirations profondes. Elle offre une éducation pour aider à se rencontrer dans sa vérité et à reconnaître son semblable, à travers le partage des valeurs fondamentales. C’est un apprentissage à continuer toute sa vie : parfaire, ensemble, notre propre humanisation afin qu’elle puisse se refléter dans nos relations et devenir humanisation réciproque, dans l’authenticité et dans la justesse, plutôt que dans la volonté de bien faire ou de faire du bien.

Il est urgent aujourd’hui de créer un nouvel espace et un autre temps pour accueillir le chaos que nous avons créé et de nous mettre face à nos contradictions. Nous avons voulu créer la société du progrès et nous avons réussi à initier des transformations importantes quant à la pauvreté, la santé et la longévité de l’homme. Mais ceci au prix d’un déséquilibre planétaire dangereux. Nous ne pouvons pas attendre des autres de nous sauver. C’est à chacun d’entre nous de prendre sa part de responsabilité pour changer l’avenir. Chaque goutte d’eau que nous pourrons offrir sera une graine pour faire refleurir la terre.

C’est dans ce sens, reliés tous à « humus », la terre, que nous pouvons entreprendre ce chemin d’humilité des artisans de paix. C’est un chemin de fraternité partagé qui peut ouvrir à initier une communauté de valeurs pour créer l’harmonie des contraires et œuvrer vers le développement de la paix dans son contexte individuel, social et politique universel.

Mode d’emploi pour artisans de paix.

L’idée de concrétiser un réseau est née de la demande de personnes extérieures à toute expérience de médiation. Lors de conférences dans lesquelles j’avais mentionné le besoin de devenir aujourd’hui artisans de paix, j’ai reçu la demande directe : « qui puis-je contacter pour participer à ce réseau d’artisans de paix » ? Il y a aujourd’hui une prise de conscience du besoin de s’impliquer directement si nous voulons sauver notre avenir. Certains d’entre vous vivent déjà cette expérience. Elle devrait être intégrée chez tous ceux qui ont approfondi leur expérience de la médiation humaniste, car elle propose essentiellement un mode d’être et de relation au quotidien. La première médiation à réaliser est avec soi-même. Les rencontres bi-trimestrielles des artisans de paix à Binanville depuis deux ans ont été une préparation à ce besoin de passage à « l’action ».

L’artisan est celui qui agit, qui fait, qui crée. Il n’est pas là pour parler… de la paix.

L’objectif est la transmission, oserions-nous dire d’un trésor, celui que l’enfant déjà cherchait : le bonheur, car il n’y a pas de bonheur sans paix.

Où que nous soyons, il est toujours possible d’identifier des lieux, des environnements qui sont en manque de paix : dans les familles, au travail, dans l’espace public… Déjà nous situer en observateurs de ces manques peut nous amener à nous poser la question : que puis-je faire pour ouvrir à un questionnement et ouvrir une brèche dans ce mur de séparation ?

Que devons-nous faire dans ces situations ? Suis-je en mesure de le faire ou ai-je besoin du soutien d’un autre artisan de paix ? Il ne faut jamais oublier que nous sommes une équipe.

Il est clair que nous sommes entourés de situations conflictuelles, il n’est pas question de nous croire tout-puissants pour sauver le monde mais très modestement de ne pas fermer les yeux sur ce qui nous entoure et de détecter un espace où ce besoin de paix apparaît particulièrement nécessaire. Si chacun peut cibler un objectif si modeste soit-il, c’est toute une chaîne d’actions qui peut déjà se mettre en marche avec la collaboration, si et quand nécessaire, d’autres artisans.

L’esprit de la médiation sera un guide certain, car c’est à travers notre propre vécu que nous pouvons ouvrir les autres à la rencontre d’eux-mêmes. Ainsi il reste nécessaire que le réseau, pour être actif, soit vivant à travers des rencontres de groupes et le partage du chemin de paix qui continue pour chacun. Des groupes pourront se créer en fonction d’activités déjà partagées dans des lieux divers où la médiation humaniste s’est déjà implantée. Par exemple en France, Binanville restera un lieu de rassemblement et de partage régulier.

C’est un projet et une action à construire ensemble. La porte est ouverte, la maison existe et une fratrie aussi. Venez nous aider à reconstruire le monde en toute humilité, c’est-à-dire donner à chacun la possibilité de semer sa petite graine dans un jardin qui en a tellement besoin. Mais n’oubliez pas, il faudra penser à l’arroser régulièrement…

Jacqueline Morineau